est un projet original et pluridisciplinaire qui entremêle photographie, art visuel, musique et transmission, axé sur la valorisation du stambeli, rituel afro-maghrébin de Tunisie, de son histoire, ses traditions et son univers.
Ce projet collectif réuni plusieurs artistes impliqués à différents niveaux dans la pratique du stambeli. Ils explorent le conte du Bou Saadiya en invitant le public dans cet univers magique et secret. Il s’appuie sur le travail photographique qu'’Augustin Le Gall mène sur ce rituel depuis plus de dix ans.
« Looking for Saadia » veut valoriser l’héritage de ces communautés en Afrique du nord et les origines de leurs traditions. Il questionne les notions d’identité et de spiritualité, emprunts d’altérité, au travers d’un travail de mémoire et de rencontres. La création rejoint la tradition au cours d’un moment collectif.
L'homme qui traversa le désert
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Dans un coin d’une ruelle sombre de la vieille ville de Tunis,
un personnage portant masque pointu décoré de coquillages et vêtements africains, entame sa danse pour attirer le public. Les enfants s’agitent autour de lui, à la fois apeurés et amusés.
Alors qu’il commence ses chants, parsemés de mots en langue Haoussa, les passants lui jettent quelques pièces.
Personnage mythique du folklore populaire, mi-saltimbanque et mi-sorcier, Bou Saadia évoque, par sa gestuelle et sa musique, les danses populaires d’Afrique Noire.
Littéralement Bou Saadiya signifie, le « père de Saadiya ».
Il raconte l’histoire de ce père, dont la fille, nommée Saadiya, aurait été enlevée et vendue comme esclave.
Parti de son village, situé dans l’ancien empire du grand Soudan, il voyagea jusqu’en Afrique du nord, traversant le désert, errant de rues en rues, de places en places, de villages en villages pour divertir les enfants dans l’espoir de retrouver sa fille parmi les jeunes spectateurs.
Le symbole de ce personnage se perd aujourd’hui dans le folklore tunisien. Mais il revient régulièrement, en filigrane, dans un rituel particulier, célébré par les communautés noires de Tunisie : le stambali.
Dans toute l’Afrique du nord, un rituel est pratiqué originellement par les communautés noires du Maghreb. En Tunisie, le stambeli est une pratique syncrétique qui prend sa source entre la vallée du Niger et le golfe de Guinée. Il s’est répandu en Afrique du nord avec les populations réduites en esclavage pendant la traite trans-saharienne. A l’instar des gnawa du Maroc et du diwan algérien, cette pratique mystique et thérapeutique reflète l’héritage spirituel de ces communautés et plus largement de l’identité Noire de ce territoire. Mélange entre le culte bori de la culture Haoussa et le culte populaire des saints musulmans, le stambali est devenu une tradition confrérique dans la Tunisie contemporaine.
Même si les pratiques ont évolué de manière nuancée selon les pays, cette confrérie puise son origine commune dans une affiliation symbolique à Sidna Bilal, premier muezzin de l’Islam et premier esclave noir affranchi par Abu Baker, disciple du prophète Mahomet. Leur intégration au monde musulman a pu se faire en se mêlant aux croyances populaires des différentes confréries religieuses.
Les chansons et rites de la confrérie des ouled Bilal racontent l’histoire de l’esclavage et de la déportation de populations d’Afrique subsaharienne par les marchands arabes vers le Maghreb. Ils témoignent à la fois de leurs pratiques mystico-religieuses, indissociables de la traite orientale et de la richesse de ce patrimoine devenu immatériel.
Le Bou Saadiya, y apparaît, tel un vieux souvenir de ce traumatisme collectif qui se perd dans le répertoire du stambeli. Il raconte le déracinement marqué par le traumatisme et la résilience qui ont construit l’identité d’un territoire. Mais il symbolise aussi leur présence dans toute l’Afrique du nord et la quête identitaire de ces communautés.
Mais aujourd’hui, le stambeli vit peut-être ses derniers jours. La plupart des officiants sont décédés et le rituel peine à trouver sa place dans une société en profonde mutation.
Autour du travail photographique et documentaire d'Augustin le Gall et de son projet La Dernière Danse, Looking for Saadiya propose une immersion dans l'univers du stambeli et invite le public à découvrir sa forme traditionnelle et ses formes contemporaines qui nous plongent dans les sons électroniques enivrants, inspirés du son du gembri.
Explorant le conte du Bou Saadiya, ce projet entremêle différentes approches artistiques qui se rejoignent pour sensibiliser un public novice et averti sur ce patrimoine menacé de disparaitre en Tunisie.. En filigrane, il suscite une réflexion autour cette histoire méconnue et peu racontée, sur cet héritage spirituel des communautés noires qui fait partie intégrante de l’identité culturelle de l'Afrique du nord.
IMAGE[s] DOCUMENTAIRES
Entre exposition photographique et installation immersive, le travail d’Augustin Le Gall nous invite à découvrir l’univers du Stambali et de ses protoganistes.
Ce projet explore la relation symbolique entre la mémoire, le sacré et la musique de ces communautés au travers d’une série de photographies et de la mini série "Stambeli, dernière danse des esprits" questionnant le visible et l’invisible mais aussi le métissage culturel qui fait la spécificité de cette pratique.
Voir l'installation
TRADITION
La troupe Sidi Ali lasmar est une troupe de stambali traditionnelle dirigée par Riadh Ezzawech, qui perpétue cet art et ce rituel dans la dernière maison du Stambali, au coeur de la médina de Tunis. Ils ont su adapté le rituel à la scène pour faire partager la partie visible du répertoire sacré dans un espace intime et feutré.
Ils nous emmènent dans le monde des esprits et retracent l’histoire et la mémoire des anciens esclaves au travers des chants et des musiques du stambali..
Découvir la Troupe
CREATION
Ce projet se veut résolument tourné vers une démarche artistique où les traditions rejoignent la création contemporaine. `
Les artistes Ghoula, Nuri et les autres nous transportent dans leur univers musical inspirés du stambali transportant le public jusqu’à la transe sur des sonorités modernes et enivrantes.
Ils feront voyager Bou Saadiya en Tunisie et en Afrique du Nord jusque sur les traces des musiques de la diaspora, à l'autre bout du monde.
Voir la nouvelle scène
La transmission est au coeur de notre concept
Le projet défend une approche globale de ce patrimoine. Nous souhaitons aller à la rencontre de notre public en faisant découvrir l’histoire de cette musique traditionnelle au travers de ceux qui la vivent,
Nous proposons de partager un moment conviviale autour d’une rencontre avec les artistes pour transmettre l'histoire du stambali et des spécialistes de ces questions pour sensibiliser le public sur sa place dans la société tunisienne
› Riadh Ezzawech et Hamadi Bidali
Festival de musique gnaoua
d'Essaouira. 2010
Le sanctuaire Sidi Ali Lasmar est le dernier lieu saint de la communauté du Stambali à Tunis. Celui-ci est menacé de disparaître car il n’est pas protégé par les institutions publiques comme patrimoine national et les principaux officiants du rituel disparaissent petit à petit. Il ne reste aujourd’hui que quelques initiés qui pratiquent encore les musiques du Stambali. Les anciens disparaissent et peu de jeunes prennent le relais. Ce projet souhaite sensibiliser le grand public sur ce patrimoine qui fait l’une des richesses contemporaines du Maghreb et propose un regard sur un Islam populaire, syncrétique, métissé qui combat les amalgames.
Nous souhaitons aller à la rencontre de notre public en faisant découvrir l’histoire de cette musique traditionnelle au travers de ceux qui la vivent. Nous proposons de partager un moment convivial autour d’une rencontre avec les artistes pour transmettre l’histoire du Stambali, et sensibiliser le public sur sa place dans la société tunisienne. Nous croyons en effet que les partages d’expérience de chacun (artistes, protagonistes, chercheurs) est une manière de mieux comprendre cette musique qui peine à trouver sa place dans une société en profonde mutation.
Le stambali et les créations artistiques contemporaines, émanant de plusieurs disciplines, qui s’inspirent de ce rite invitent à une réflexion autour du renouvellement des pratiques patrimoniales qui le placent dans un processus de conservation et de mise en valeur. Par le biais d’ateliers d’initiation aux pratiques artistiques, notre projet ambitionne de montrer au public le dialogue possible entre les disciplines qui s’inspirent du stambali, le plaçant dans un renouveau et une contemporanéité créative.
Atelier de découverte et d’expérimentation autour des sons et musiques stambali à destination des jeunes : cet atelier propose de découvrir et d’initier des jeunes à la musique électronique en expérimentant diverses techniques pour créer de nouvelles créations à partir de matériaux sonores issus de la musique Stambali.
Atelier d’initiation à la photographie documentaire : La photographie documentaire raconte des histoires en images en élaborant un récit autour d’un thème donné. Ici les participants sont invités à réfléchir sur la place de l'image dans notre société et à saisir le point de vue d'un auteur sur le stambeli.
La population tunisienne noire subit encore aujourd’hui une réputation de «maghrébins de seconde catégorie». Même si l’histoire de la traite orientale est connue et longuement traitée par les historiens, celle des communautés noires en Afrique du Nord et de ce culte magico-religieux est assez peu évoqué.
Pourvues d’une image négative dans les perceptions, les populations noires tunisiennes subissent le racisme, la mise à l’écart et la marginalisation quotidiennement. Le langage populaire utilise encore les termes un vocabulaire négatif tel que «kahlouch», « ousif» ou encore « abid » qui désignent de manière péjorative, une personne à la peau noire.
Par le biais de rencontres-débats et d’ateliers, nous souhaitons sensibiliser le public aux problématiques racistes dans la Tunisie contemporaine, de démocratiser des outils et concepts permettant de décrypter les attitudes et les comportements discriminant et d’inspirer en proposant des modèles d’actions pour agir, chacun.e à son échelle, pour accepter les différences, valoriser cette spécificité culturelle et défendre le droit des minorités.